La faillite de Saint Roch en passe d’être clôturée

Carte blanche de Me René Walgraffe

COUVIN avait été, dès le moyen-âge, une terre d’initiatives industrielles, certes balbutiantes.

Combien de monticules, appelés crayats , témoignent d’une activité métallurgique  modeste, mais à l’échelle de ce temps. 

Au XVIII la présence de bois et de minerais de fer avait favorisé l’érection de nombreux bas-fourneaux.

AU XIXème siècle et davantage au XXème siècle, une série d’entrepreneurs privés, démarrant souvent avec peu de moyens, dresseront de COUVIN, pour la première moitié du siècle passé, l’image d’une ville industrielle, offrant directement des milliers d’emplois productifs, et des milliers d’emplois  accessoirement liés à ces activités. 

Il suffit de considérer le nombre de cafés, de restaurants, d’établissements de standing pour réaliser qu’il y avait une réelle richesse économique dans le couvinois dont bénéficiait un secteur tertiaire florissant.

COUVIN et FRASNES étaient devenus durant la première moitié du XXème siècle un centre sidérurgique reconnu internationalement pour la fabrication d’appareils de chauffage.  

Quatre sociétés produisaient, à partir de leur propre fonderie, des appareils de chauffage, des poêles et des cuisinières ; il s’agissait de SAINT-JOSEPH, LA COUVINOISE, L’EAU-NOIRE-SOMY, et EFEL.

Un cinquième fonderie s’était spécialisée dans les chaudières, il s’agissait de Saint-Roch. 

 

Oui, COUVIN fut une ville industrielle, se détachant de ses voisines Chimay  l’historique ou Philippeville la rurale. 

Le patron de SOMY Victor REMY annonçait avec fierté sur son usine produisait un poêle par jour et par ouvrier.  On s’approchait du plein emploi et le présent si encourageant véhiculait une insolente foi en l’avenir. 

Le climat économique s’est rapidement dégradé et le dernier quart du siècle passé a enregistré la disparition, brutale, vertigineuse, de ces fleurons industriels qu’étaient SAINT-JOSEPH, LA COUVINOISE, L’EAU-NOIRE-SOMY.

J’étais trop jeune pour appréhender dans le vécu les causes et la réalité de la chute de l’industrie de la poêlerie.   

Il restait DONNAY, leader mondial des raquettes de tennis avec plus de 500 emplois. Les difficultés de l’entreprise, dès le début des années 1980, après l’épisode BORG,  étaient réelles et la région wallonne, comme toujours avec un discernement peu sélectif et trop indulgent, avait investi des sommes considérables d’argent public. 

Quelle fierté  j’avais éprouvée de découvrir, dans un magasin d’articles de sport à San-Francisco, la photo d’Agassi avec en main une raquette Donnay. 

C’est aisé a posteriori de poser un diagnostic et un curateur de faillite, ce que je suis,  est davantage un médecin-légiste ou un éboueur économique qu’un opérateur industriel. Mais c’est avec indépendance et avec  une vision fjuridique et économique affinée parce que portée par l’expérience de trop de faillites dans des secteurs aussi différenciés qu’il peut porter un jugement. 

Il ne fait ainsi pas de doute pour ceux qui ont approché la chute de la maison DONNAY que la famille propriétaire, à la deuxième génération, n’était plus à la hauteur des défis de l’entreprise. 

A sa décharge, c’étaient des couvinois, viscéralement attachés à leur région qui avait vu naître et prospérer leur entreprise. Il eut fallu rationaliser, licencier, anticiper et affronter un monde syndical trop souvent facteur de conservatisme aveugle. 

Le patron de l’entreprise qui portait son nom n’en avait pas la capacité, et n’en a jamais eu la volonté. Le scénario a été tant de fois répété : combien de fils de famille, à la deuxième ou troisième génération, ont hérité de fleurons industriels qui eussent réclamé une envergure managériale qu’ils étaient incapables de déployer. 

Certes cette seconde génération aurait pu approcher des managers indépendants susceptibles de sauver et de faire prospérer les entreprises. Malheureusement trop d’administrateurs de Donnay, recrutés à grands frais,  n’ont pas été à la hauteur du défi qui leur était posé, et beaucoup considèrent qu’ils ont, par incompétence, chacun enlevant une pierre à l’édifice, provoqué l’écroulement de l’entreprise. A l’aube des années 80, tout était encore possible, question de choix stratégiques, de rigueur dans la gestion, de fermeté dans les orientations.

L’exemple d’Interbrew est édifiant : les actionnaires ont toujours eu la sagesse de ne pas se mêler de la gestion de l’entreprise, faisant appel à des managers extérieurs de talent, avec la réussite industrielle et financière que l’on connaît. 

On peut toujours réécrire l’histoire et imaginer qu’à la mort d’Emile DONNAY, qui avait tout créé, une équipe managériale extérieure, abordant avec compétence pour le développement, sang-froid pour les éventuelles et partielles délocalisations, et obstination vis-à-vis des instances régionales, politiques et syndicales ait repris les rênes de l’entreprise. 

Le nom DONNAY ne serait-il pas encore partie prenante de l’économie couvinoise au lieu de se retrouver à l’heure actuelle très loin de Couvin, aux mains d’une société anglaise ? C’est possible.

Mais l’éloignement de la famille DONNAY est intervenu trop tard, l’épisode TAPIE qui avec un aplomb confondant était parvenu à  manipuler les syndicats et à instrumentaliser les responsables wallons avec de mirobolantes promesses n’a rien apporté de positif. Il est reparti avec ses billes, n’a peut-être rien gagné mais n’a rien perdu et a laissé l’entreprise comme un vaisseau sans capitaine, naviguant à vue vers un naufrage annoncé. 

A l’aube de ce siècle il ne restait que deux entreprises, rescapées d’une crise qui avait tout emporté : Efel et Saint-Roch. 

La première, qui avait compté jusqu’à près de mille travailleurs, ne représentait plus que deux cents personnes et de leader européen des poêles en fonte, se retrouvait largement distancée par d’autres opérateurs, européens et internationaux, plus performants parce que  plus dynamiques, plus rentables parce que plus innovants.

En se dédouanant de toute responsabilité, ses dirigeants ont affirmé que l’usine avait été victime de l’implacable crise industrielle dans l’Europe occidentale et notamment dans le secteur de la poêlerie.

Cette affirmation résulte d’une approche très réductrice de la réalité  et la crise, évidente mais aux conséquences sélectives, a épargné les opérateurs industriels qui ont su anticiper, qui ont fait preuve d’innovation et d’ingéniosité. 

L’exemple d’INVICTA, installée depuis 1924 à Donchery près de Sedan le démontre.

Cette société a pu traverser la crise économique de la deuxième moitié du XXème siècle, a su se diversifier, se développer quant Efel  périclitait malgré les aides publiques. Invicta a pu quitter une activité plus traditionnelle de fabrication d’inserts, et particulièrement à partir de 2005 INVICTA a commencé avec succès la production de poêles à bois et d’inserts au design très moderne et jusqu’à des barbecues à partir de sa propre fonderie. L’entreprise INVICTA a même acheté en 2016 la marque DEVILLE, autre fabricant historique de poêles, d’inserts et de fourneaux à bois créée en 1846 à Charleville-Mézières.

N’ayant aucun proche susceptible d’en reprendre les rênes, son fondateur l’a cédée à une société d’investissements publics et INVICTA emploie aujourd’hui 280 personnes.
On pourrait également citer l’entreprise créée par Jean-Baptiste GODIN dans le département de l’Aisne, et qui, se positionnant sur du haut de gamme, a su préserver ses acquis avec une audacieuse santé économique. 

Alors inéluctable la disparition de l’industrie de la poêlerie à COUVIN alors que dans l’Aisne et dans les Ardennes, c’est-à-dire pas si loin, on a pu la conserver ?

Tout en fait est question d’hommes, de compétence, de volonté, d’opportunité, de savoir-faire, de courage.
Il eut fallu des acteurs industriels quand on a vu des acteurs financiers.

Il eut fallu des managers avec une vision à long terme face à des relais politiques gérant le quotidien.

A la deuxième génération du management d’entreprises familiales, la facilité a souvent prévalu.

EFEL avait largement pu compter sur l’aide de la région wallonne et il serait édifiant de relever et de chiffrer l’ensemble des aides reçues, sous des formes diverses, pour tenter de sauver l’entreprise. 

Chaque poêle produit revenait cher à la région wallonne et malgré ces perfusions, l’entreprise était inéluctablement  sur le déclin et a fini par aboutir aux mains d’opérateurs espagnols. 

Avaient-ils un réel projet économique, n’étaient-ils pas là eux-aussi avec le dessein de profiter de la manne de l’argent public ?  

La visibilité de leur projet a toujours fait défaut. A leur décharge ils ont acquis un site industriel dépourvu de la propriété de ses marques, brevets, noms commerciaux, modèles pour réaliser les moules, , etc…  et d’un outil vétuste parce que mal entretenu. 

Le four de coulée de la fonderie a rendu l’âme, après de trop longues prolongations d’utilisation.

C’est une coquille bien vide dont ils se sont, en pleine connaissance de cause,  portés acquéreurs.

La faillite était au bout du tunnel et j’en fus l’un des curateurs. 

L’absence de réelle perspective de reprise industrielle, la dette faramineuse (plus de 28 M €), la vétusté de l’installation et notamment des organes de fusion de la fonderie  qui n’était plus opérationnelle et la lassitude de la région wallonne ont rendu toute perspective de reprise improbable. 

La faillite, une fois de plus,  était inéluctable et sans perspective de relance de l’outil.

Il a fallu licencier le personnel restant réduit à  172 travailleurs et vendre le stock considérable de poêles. Le jour de la vente publique il y avait près de 1200 personnes et des embouteillages le long de la N5.

L’usine du bas c’est-à-dire la fonderie a trouvé repreneur avec pour objectif de produire principalement de la voirie, mais aussi d’ouvrir la production vers d’autres secteurs : éléments de poêle de chauffage, pièces mécaniques, etc… Un four électrique moderne permet cette diversité dans la production. 
J’y reviendrai.

L’usine du haut, le long de la nationale 5, fut acquise par la Sogepa qui, jusqu’à ce jour, l’a laissé à l’état de chancre industriel. 

L’argent public investi ne devait-il pas être la garantie d’une revalorisation rapide du site et de son replacement dans un projet économique viable ? 

Pourquoi la région wallonne a-t-elle acquis ce site dont elle ne semble, pour l’instant, pas orienter l’urgente reconversion ? 

Comprenne qui pourra ?
La logique économique des responsables politiques est parfois impénétrable.

Deuxième entreprise survivante de la crise économique, depuis 100 ans, Saint-Roch tenait bon, sur son site historique à  l’entrée de COUVIN, tout en réduisant la voilure en termes d’emploi, et au travers de plusieurs repreneurs continuait à produire des chaudières de qualité à la satisfaction  de clients fidèles. 

Plusieurs propriétaires se sont succédé, la région wallonne est également intervenue pour des aides importantes, une PRJ est en outre mise sur pied et finalement la société, en 2017, est reprise par un consortium local .

Mais il faut un opérateur, aucun des investisseurs locaux n’ayant la capacité de gérer cette entreprise qui demande un savoir faire  dans la production que de purs partenaires financiers ne peuvent apporter. On va alors chercher mais les candidats ne se presseront pas.

On cherche un opérateur industriel  et pour paraphraser le milieu médical, si possible un professeur d’université, un médecin de campagne par défaut, et si on ne trouve personne un rebouteux fera l’affaire.  Le temps presse. Il faut un repreneur, à tout prix !
C’est assurément par défaut qu’un opérateur italien va prendre la direction de l’entreprise avec un apport financier plus que dérisoire. Il s’empressera d’ailleurs, par un jeu d’achat de ses propres actifs, qu’il fera évaluer par une société américaine et valider par un réviseur belge,  de récupérer son apport. On peut affirmer qu’en fin de compte l’opérateur italien n’a rien investi. 

C’est un tapis rouge qui est ainsi déroulé à ce singulier investisseur-opérateur qui désignera un directeur général, à Couvin, dans une usine de production, qui ne parle pas français, mais uniquement italien. 

Imaginez de quelle main ferme ce manager a dirigé cette usine de production, ne pouvant jamais dialoguer en direct avec la plupart des cadres et des ouvriers. 

S’étonnera-t-on qu’il était souvent en Italie, et quand il était à Couvin, se réfugiait dans son bureau ?

Au niveau du conseil d’administration, on mettra plusieurs mois avant de dénoncer une situation aussi ubuesque alors qu’il eu fallu mettre tout à plat par rapport à la gestion précédente, poser les bonnes question , identifier les causes des problèmes passés, revoir la politique commerciale et mettre sur pied un plan de bataille qui assure la visibilité économique de l’entreprise.

J’aborde ici le redoutable défi que rencontrait cette société.

Historiquement Saint-Roch avait été installée, il y a un siècle, aux portes de COUVIN. L’usine se retrouvait quasiment en zone d’habitat et l’activité de fonderie générait une pollution importante, qui depuis des décennies accablait le centre ville de Couvin.  

Combien vous diront avoir retrouvé en centre-ville leur véhicule couvert d’une couche de poussière grise crachée par la cheminée de Saint-Roch.

La situation était intenable et pourtant, contre tout bon sens, elle a tenu des dizaines d’années parce qu’il y avait l’emploi. Mot magique qui fait taire les légitimes revendications des riverains de l’usine, qui illusionne les pouvoirs publics,  qui musèle les syndicats. Une pollution majeure a été tolérée en centre ville pendant tant d’années parce qu’il était tabou de réclamer le respect élémentaire des normes de pollution. Les syndicats et les politiques ont été des facteurs d’immobilisme environnemental au détriment de la santé de la population. 

Comment les couvinois ont-ils accepté durant tant d’années des rejets aussi nocifs et massifs, en plein centre-ville traduit le conservatisme coupable des relais politiques et la faiblesse, sans doute par manque d’indépendance, des autorités administratives. 

Il eut fallu courageusement dénoncer une situation qui devenait intolérable par sa durée et dénoncer l’indulgence irresponsable qui faisait  pencher la balance en faveur de l’emploi au détriment de la santé de la population. 

Le cubilot (fusion de la fonte)  fonctionnant au coke crachait ses fumées nocives quand il était en activité, soit … un jour sur deux. Les couvinois pouvaient ainsi respirer sereinement, … un jour sur deux.

La région wallonne, malgré les pressions, malgré les habitudes, malgré l’aveuglement, avait fini, au travers du permis d’environnement, de siffler la fin de la récréation.  

Un dernier délai, le der des der, sous la pression des syndicats et des politiques, avait été accordé pour le 31 décembre 2018. A cette date, à défaut d’un nouveau four de fusion, des filtres puissants devaient être installés au dessus de la cheminée du cubilot. 

La nouvelle société, qui avait relancé l’activité à la mi-2017, avait été  recapitalisée et avait dégagé à sa fondation les moyens financiers pour respecter les normes environnementales. 

Or, lorsque la faillite est prononcée  le collège des curateurs dont je suis, trouvera une société exsangue financièrement, c’est-à-dire non seulement incapable de faire face à ses dépenses courantes , mais surtout ayant mangé les fonds rassemblés  pour placer, pour la fin de l’année, les fameux filtres censés corriger ou du moins drastiquement limiter la pollution sur la ville. Plus symptomatique,  une partie des fonds avait servi à installer un four de coulée, projet déraisonnable dans la situation financière de la société. 

Toute perspective de sauvegarder l’entreprise était ainsi exclue puisque, faute de filtre, l’administration allait ordonner l’arrêt de l’activité.

Que s’était-il passé ?

L’opérateur italien, pour garder des marchés, pour garder ses propres clients à qui il vendait des produits Saint-Roch, a maintenu des prix de vente très bas du niveau de ceux qui avaient déjà entraîné la PRJ de la précédente entité juridique.

La nouvelle société n’a pas remis en question les paramètres qui avaient déjà provoqué la chute de la précédente entité.

Et avec une bonne dose d’aveuglement, on a cru que le miracle allait venir des repreneurs italiens.
Le prix de revient n’a pas été calculé, où s’il l’a été, il n’en a volontairement pas été tenu compte pour ne pas contrarier la clientèle historique. Il est probable que la marge était négative. Si cette hypothèse était la réalité, certains ont donc su ou pressenti dès 2017 que le naufrage de la nouvelle société interviendrait rapidement.  

Impéritie ou pratique condamnable ou simplement  impuissance et découragement, ou tout à la fois. 

Les produits Saint-Roch toujours de qualité, étaient en fait vendus à perte.  C’est ainsi qu’en moins d’une année les fonds propres de l’entreprise, constitués notamment des apports publics, avaient été mangés dans des dépenses de fonctionnement, alors qu’une partie devait servir à la mise aux normes environnementales de l’unité de production de fonte. 

Les caisses étaient vides, les propriétaires de l’entreprise ont rapidement fait savoir qu’ils ne cracheraient plus au bassinet, le couperet du retrait du permis d’environnement à la date du 31 décembre 2018 signait la fin de la dernière entreprise industrielle dans la fonderie-poêlerie à COUVIN. 

Il restait au moment de la faillite 72 travailleurs dans l’entreprise. Réunis dans un atelier de production, le lendemain de la faillite, il appartenait aux curateurs d’annoncer à des travailleurs qui étaient pour plusieurs d’entre eux depuis plus de 30 ans dans l’entreprise, que c’était fini, qu’ils ne travailleraient plus le lendemain, qu’ils devaient quitter les ateliers le jour même. Il n’y aura ni révolte, ni agitation mais une résignation teintée d’écoeurement, d‘émotion et de fatalisme. 

Les C4 seront signés dès que les documents sociaux auront été établis par le secrétariat social.
En 5 ans, j’ai signé près de 500 lettres de licenciement  à des travailleurs de la région. J’en connais un certain nombre, ou je connais des gens de leur famille, de leurs amis. 

Le mandataire de justice est au front face à la débâcle économique d’une région. C’est lui  sur le terrain le premier qui doit affronter les réalités sociales et les imposer. 

Même s’il n’est qu’un rouage de cette lourde machine que constitue une procédure de faillite, même s’il n’est en rien responsable de la situation, même s’il met fin à une minante incertitude pour les travailleurs, c’est sous sa signature, dans un courrier qu’il adresse, que les travailleurs d’une société en faillite reçoivent leur lettre de licenciement. 

Le rôle d’un curateur est difficile, complexe, souvent décrié, beaucoup dans le monde judiciaire y portent un regard suspicieux, il est d’abord  humainement éprouvant. 

Dans le cas de Saint-Roch, certains travailleurs, qui avaient déjà été licenciés, sous la signature du même curateur lors de la faillite de Thermic distribution Europe , et à nouveau licenciés,  seront provisoirement réengagés pour participer au démantèlement de leur usine. 

Beaucoup étaient conscients des lacunes du projet économique de 2017, des failles d’un management étranger, des déficiences de l’outil de production. Mais beaucoup étaient devenus fatalistes et découragés .

Cette faillite était-elle inéluctable ?

Je réponds non !  

Nous avons vendu la marque Saint-Roch, les brevets, les moules, le réseau à un libanais qui vendait sur le marché du Moyen-Orient et considérait le produit comme durable parce que de qualité. Il avait différents marchés publics notamment au Liban qu’il devait honorer et la faillite était pour lui une catastrophe.

Il a tout acheté, tout démonté, tout emporté, non pas pour un pays de l’est, non pas pour le Moyen-Orient mais pour l’Italie, où les salaires sont équivalents à ceux de la Belgique, à côté d’une fonderie performante qui saura lui produire les pièces en fonte de qualité, lui de son côté reprenant la production complète des chaudières Saint-Roch avec un plan de développement solide qui lui permet d’entrevoir rapidement la rentabilité.

Comme DONNAY, la marque SAINT-ROCH continue à exister, mais loin de COUVIN.  

Nous aurions pu sauver cet outil industriel en anticipant. Il fallait depuis des années penser à la délocalisation de la fonderie et à la mise à disposition d’un outil performant.

Efel, dont le site était tout proche du site Saint-Roch de Couvin mais suffisamment éloigné du centre ville pour éviter toute nuisance, avait une fonderie vétuste (le four a passé outre quelques mois après l’achat par les espagnols, c’est-à-dire peu de temps avant la faillite). 

Une synergie devait intervenir entre les deux entreprises, pour construire un four électrique moderne performant, sachant répondre au besoin des deux entreprises. Saint-Roch serait resté une usine de montage, sans pollution, et une partie des terrains aurait pu être libérée, la nouvelle fonderie aurait trouvé une rentabilité rapide grâce à cette double affectation et l’emploi industriel n’aurait pas été perdu pour COUVIN.

Oui, on l’a envisagé, il y eut des plans, des frémissements, des projets, des bavardages, mais rien de concret. On a ainsi parlé de deux cultures d’entreprises différentes, d’égos surdimensionnés des dirigeants, d’absence de volonté politique d’imposer cette synergie. 

Bref pour l’envisager, il fallait d’abord le vouloir et personne n’a voulu.
L’argent public a  été en pure perte donné d’un côté et de l’autre, sans imposer cette salutaire concertation qui eut pu déboucher sur un projet commun. 

Il a manqué la volonté au sein des décideurs, politiques, industriels, syndicaux pour prendre à bras le corps la survie de l’industrie de la fonte dans le couvinois. 

Ce qui est navrant c’est qu’à ce jour il y a une fonderie performante sur l’ancien site d’Efel, qui se débat au milieu d’immenses difficultés, mais a commencé sa production, et il  n’y a plus Saint-Roch, il n’y a plus Efel. 

L’outil est arrivé, sur initiative privée, mais trop tard. 

Pendant ce temps le libanais KERMEZIAN produit des chaudières Saint-Roch dans le nord de l’Italie, et assure son réseau commercial que les produits seront au moins d’aussi bonne qualité que ce qui était produit à Couvin. 

Quel gâchis !